C’est un homme pour qui les mots, les idées, les livres, la musique comptaient tant.
Les mots il les possède encore, il hésite parfois sur leur sens, leur justesse à l’endroit où il les pose ; il a encore ce souci-là. Les idées le quittent, s’emmêlent, font peiner son esprit malade. La sonate n°20 en la majeur de Schubert, qu’il aimait tant, lui fait l’effet d’une charge qu’il ne peut plus supporter, elle l’angoisse. Les livres, cette bibliothèque qu’il a constituée depuis sa jeunesse et qui ne l’a jamais quitté, reflet de ce qu’il a aimé, de ses rêves, de ses émotions, de son âme, comme l’affirme sa fille – alors que cet homme n’est plus que l’ombre de lui-même –, il ne peut plus s’y plonger car il ne peut plus lire, et n’arrive plus à se souvenir de qui sont ces auteurs qui l’ont autrefois fait vibrer.
Ses yeux voient très bien, pourtant ils semblent chercher, dans le vide, à quoi s’accrocher. A sa fille Sandra (Léa Seydoux) qui lui demande si ses cheveux sont courts ou longs, il répond embarrassé, avec le visage torturé de celui qui a peur de se tromper : « Ils pourraient être longs ». Quand il cherche ses clés pour ouvrir à Sandra, qui lui explique avec une douceur poignante qu’elles sont sur la porte, où il les laisse toujours, il ne sait plus ce que c’est, une porte.
Pascal Greggory incarne superbement ce père, pas si vieux, dont l’esprit abîmé par ce qu'on appelle une maladie neurodégénérative, et l’univers, se délitent. Le duo que Léa Seydoux forme avec lui est infiniment touchant.
Le film s’achève sur des extraits du journal que Ole Hansen-Løve, le père de la réalisatrice, tenait encore quand cette même maladie a commencé à dégrader son cerveau. Des textes troués déjà, la solitude, la lucidité et l’impuissance d’un homme face au mal mystérieux et tout puissant qui va le détruire.
"Si un jour je suis atteinte de la même maladie que mon père, demande Sandra à son amant (Melvil Poupau), promets-moi que tu m’emmèneras en Suisse et que tu m’aideras à mourir avant que je ne puisse plus le décider."
Comments