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"De la main d’une femme", d’Astrid de Laage (Grasset 2023)

jrigondet

Entre roman, récit, enquête : sur les pas de Charlotte Corday, la jeune femme qui a tué « L’Ami du peuple » en 1793.


J’ai un faible pour les histoires de transmission, de ce que les générations du dessus, même disparues depuis longtemps, laissent, bien vivant, à leurs descendants. Je ne parle pas des objets, bijoux de famille, photos, maisons ou autres biens, je parle de ces peurs aux origines inconnues, du poids d’une faute commise par d’autres bien avant nous, de violences subies par nos ancêtres, d’un sentiment inexpliqué de culpabilité ou d’imposture, d’une tare ancienne dont on a entendu parler (ou pas) et qui réapparaît chez quelques-uns des descendants… Il y a aussi, dans certaines familles, des figures que l’histoire a rendues célèbres, façonnées par l’opinion de façon quasi indélébile et dont l’image marque au fer les autres membres de leur famille, même des siècles plus tard.


Astrid de Laage est une cousine éloignée de Charlotte Corday, cette jeune femme entrée dans l’histoire en assassinant Marat le 13 juillet 1793 – il y a 230 ans. Hantée par l’ombre de cette ancêtre sulfureuse depuis l’adolescence – une reproduction du portrait de Charlotte dessiné à sa demande, pour sa famille, par Jean-Jacques Hauer peu avant qu’elle soit guillotinée trônait près de la chambre du grand-père de l’auteure – , elle revient sur les quelques jours et quelques heures qui ont précédé cet acte politique. Car n’en déplaise à ceux qui pensaient, ou pensent encore qu’une femme seule n’a pu le décider, ou encore qu’une femme n’agirait ainsi que par dépit amoureux, cette jeune aristocrate a décidé de se sacrifier pour tuer le député montagnard, convaincue qu’elle sauverait ainsi des milliers de vies.


Afin de « détricoter l’énigme » et de mieux comprendre les motivations de cette lointaine ancêtre, Astrid de Laage consulte les archives nationales et familiales, se glisse, en Normandie comme à Paris, dans les pas de Charlotte peu avant son acte, explore ses liens, sa trajectoire de vie. Il en ressort un livre à la fois sensible et intelligent, documenté mais écrit comme un roman, un texte qui, à la fois enquête historique, récit, roman, traverse les genres et les cases littéraires, tout en faisant bouger les lignes et les cases qui enferment les acteurs du récit, l’auteure-cousine et le lecteur.


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